Le niveau général des taux d'intérêt, la baisse de confiance des consommateurs et la détérioration des perspectives du marché du logement sont à l'origine de la diminution nette de la demande de prêts au logement.
Tableau 1 - Demande de prêts au logement (% net des banques signalant une augmentation de la demande)
Source : Enquête sur les prêts bancaires
Tirer les leçons du passé : une reprise rapide et en douceur en vue ?
La chute du marché en 2022 et les prévisions pour 2023 ressemblent à celles de 2008 et 2020 (Covid), où nous avons assisté à une réduction de 50 % des volumes de prêts hypothécaires. Ces deux crises ont été suivies d'une reprise régulière. En l'espace de quelques trimestres, la demande a retrouvé ses niveaux d'avant la crise.
Peut-on prédire l'avenir en regardant le passé ? Peut-on s'attendre à une reprise aussi rapide et harmonieuse à la fin de l'année 2023 ?
Notre réponse est non. Pourquoi ? Parce qu'il y a une grande différence entre les crises 2008/2020 et aujourd'hui : le climat inflationniste et les taux d'intérêt. En 2008, le levier monétaire a été largement utilisé pour stabiliser la contraction économique. Les taux d'intérêt ont plongé. L'Euribor à lui seul a chuté de près de 500 points de base en un an (de 5,1 % en octobre 2008 à 0,4 % en octobre 2009). La confiance des consommateurs s'étant rétablie, le faible coût de l'emprunt a entraîné une reprise rapide du marché du crédit.
De même, le faible niveau des taux d'intérêt a été un facteur important de la reprise en douceur après l'épidémie de COVID. Selon l'enquête de la BCE sur la distribution du crédit, le niveau des taux d'intérêt a été en fait le facteur le plus important d'une reprise rapide (voir tableau 2).
Tableau 2 : Focus 2020 - demande de prêts immobiliers et facteurs contributifs (% net de banques signalant une augmentation de la demande/ )
Source : Enquête sur les prêts bancaires
Aujourd'hui, les perspectives sont très différentes... Oui, la confiance des consommateurs est (à nouveau) ébranlée. Oui, les perspectives du marché du logement sont (à nouveau) négatives - la croissance des prix de l'immobilier s'est ralentie. Mais les intérêts ne sont plus bas. Ils ont atteint un niveau record, le plus élevé depuis 2008. Comme l'indique l'enquête sur la distribution du crédit, les taux d'intérêt sont désormais le facteur le plus important de la baisse des prêts immobiliers (voir tableau 3).
Tableau 3 : Focus 2022 - demande de prêts immobiliers et facteurs contributifs (% net de banques signalant une augmentation de la demande/ )
Source : Enquête sur les prêts bancaires
Que faudrait-il faire pour bénéficier de la reprise rapide que nous avons connue par le passé ?
Le rétablissement de la confiance des consommateurs et l'amélioration des perspectives du marché de l'immobilier - possibles avec une inflation stabilisée et une économie en croissance (bien que lente). Mais aussi des taux d'intérêt proches de zéro, voire négatifs. Dans le contexte actuel de l'inflation et des politiques de la BCE, il est difficile de s'attendre à des taux d'intérêt proches de zéro, voire négatifs, dans les un ou deux ans à venir.
À quel type de reprise peut-on s'attendre ? Une reprise constante mais lente. Les consommateurs, plus confiants, demanderont à nouveau des prêts immobiliers. Mais ils le feront de manière plus "prudente". Les prêts au logement ne seront plus les liquidités "presque gratuites" qu'ils étaient en 2009 ou en 2020. Ils constitueront un engagement coûteux pour l'emprunteur.
Initiatives essentielles pour la résilience du secteur hypothécaire européen
L'année 2023 sera-t-elle alors une "année perdue" ? Les prêteurs doivent-ils endurer et attendre ?
Notre réponse est non. Les prêteurs européens ont la possibilité de construire un modèle d'entreprise résilient en tirant parti de la dynamique actuelle du marché... Les entreprises résilientes se préparent dans les climats difficiles pour prospérer dans les climats florissants.
Comment ? Nous voyons cinq initiatives à l'origine d'une entreprise véritablement résiliente :
- Développer des économies d'échelle : répartir les coûts opérationnels fixes sur un volume plus important. Tout d'abord, nous nous attendons dans les années à venir à voir davantage de consolidation et de fusions-acquisitions dans le secteur du crédit hypothécaire. C'est surtout du côté des courtiers (en hypothèques), où les structures sont encore plus petites, que des avantages en termes de coûts seront créés.
- Travailler en partenariat : répartir les investissements dans l'ensemble du secteur
En temps de crise, chaque entreprise de crédit hypothécaire doit déterminer quel est son avantage concurrentiel et ce qui ne l'est pas. Les partenariats sur les activités non essentielles peuvent faire baisser les coûts. Cette base peut avoir de nombreux résultats, des plateformes cross-canal aux technologies d'évaluation de l'accessibilité financière. - Rendez votre structure de coûts variable : Réduire les coûts totaux en passant d'une structure de coûts fixes à une structure de coûts variables. Là encore, il peut y avoir une multitude de résultats. Par exemple, les prêteurs peuvent évaluer leurs coûts de distribution et passer d'une distribution à coûts fixes (par le biais d'un réseau d'agences, ...) à un modèle de distribution à coûts plus variables (courtiers, plateformes technologiques, générateurs de leads, ...).
- Optimisez vos processus : réduisez vos coûts fixes en mettant en place des processus plus efficaces. Les processus de montage et d'évaluation des prêts présentent d'importantes marges d'amélioration. Par exemple, les demandes de premier droit ne représentent que 65 % en Europe. En d'autres termes, pour 10 demandes reçues, votre expert en prêts hypothécaires devra évaluer 3 dossiers au moins deux fois. L'application des technologies appropriées peut réduire ce nombre à un seul dossier.
- Modèles de points de vente omnicanaux : Élargissez vos points de contact pour agrandir le "gâteau". Cela permet à une entreprise hypothécaire d'avoir accès à un flux régulier de demandes en utilisant un mélange de générateurs de prospects, de centres de services, de services en ligne directs et de courtiers, ... Cibler les niches qui offrent un avantage concurrentiel vous permet de changer de canal rapidement lorsque de nouvelles connaissances sont acquises.
Numériser pour construire une activité hypothécaire résiliente
La transformation numérique est l'outil ultime de l'"initiative de résilience". Les entreprises hypothécaires qui ont investi dans la transformation numérique auront l'avantage dans ce climat. Celles qui ne l'ont pas fait seront contraintes de le faire maintenant.
- Paiement à l'utilisation : En période de ralentissement économique, l'infrastructure en nuage et SaaS peut rendre votre structure de coûts variable et améliorer considérablement les performances. Les premières analyses ont montré que les modèles de paiement à l'utilisation peuvent augmenter les marges de 30 %.
- Communication transcanal : un modèle de distribution flexible, où coexistent courtiers, succursales et DTC numériques, nécessite des applications numérisées et des communications bidirectionnelles instantanées pour un déploiement efficace.
- Vérification numérique de l'accessibilité financière : Les données fournies par l'open banking et l'open finance peuvent vous aider à évaluer l'accessibilité au crédit de manière plus efficace. Par exemple, l'intégration d'une pré-approbation numérique intelligente dans la phase de demande peut considérablement améliorer la qualité de vos dossiers.
- Développer des écosystèmes et des normes : En période de ralentissement économique, il est essentiel de développer des alliances qui permettent de partager les coûts. La mise en œuvre de normes communes pour l'échange de données et d'écosystèmes pour la connaissance du client et l'échange de données sur les biens immobiliers permet de réduire les coûts de développement et d'accroître l'adoption. Cela est particulièrement important pour les sujets qui deviendront des produits de base au fil du temps. En procédant ainsi, vous pouvez maintenir vos marges et vous concentrer sur vos avantages concurrentiels.
Ne gaspillez jamais une bonne crise. Le climat actuel peut être extrêmement propice au développement de meilleures méthodes de gestion de votre activité hypothécaire. Il en résultera des effets durables pour l'avenir, lorsque les marchés repartiront à la hausse.
Les auteurs :
GeertVan Kerckhoven, PDG d'Oper
Andrea Brusoni, responsable des projets stratégiques chez Oper